Donne-moi un nom !

Christophe Guérini (1957)

Je suis le second d’une fratrie de sept enfants nés à la communauté de l’Arche. Mon premier souvenir de Shantidas et Chanterelle date de ma petite enfance ; j’avais moins de 5 ans. J’avais décidé de chanter sous leur fenêtre tous les jours et lorsqu’ils sortaient de leur chambre, je réclamais : « Shantidas, Shantidas, donne-moi un nom ! ». Lui refusait, disant qu’il ne donnait un tel surnom qu’aux Compagnons. Mais après plusieurs semaines, grâce à l’intercession de Chanterelle, il m’a donné le surnom de « Roitelet » qui m’est toujours resté, et avec lequel je signe mes peintures et sculptures.

J’ai aussi de Shantidas un autre petit trésor : sa dédicace sur un exemplaire de son livre Les QuatreFléaux, offert à mes parents en 1960, où il a écrit : « Pour Nicodème et Pinson, et plus tard pour Christophe ». Tout un programme…

 

Plus tard, à la Borie, quand il faisait froid, Chanterelle nous prenait parfois dans sa chambre, nous les enfants Guérini. Shantidas était là, travaillant à son bureau, et restait absorbé tandis qu’elle nous installait. Puis elle partait chercher de l’eau chaude et nous préparer du maté dans une petite calebasse avec une pipette d’argent. Pendant son absence, Shantidas s’intéressait à notre présence et nous montrait sesmanuscrits et ses ciselures. Je me rappelle lui avoir demandé comment il obtenait une si belle patine sur l’ivoire. Il m’avait expliqué sa méthode : frotter avec du dentifrice !

Je me souviens aussi qu’il aimait danser. Je l’ai vu rire à cette occasion, alors qu’il était souvent sérieux. On le sentait alors dans le bonheur d’être avec d’autres.

Chanterelle prenait beaucoup de photos. Quelquefois elle sortait son appareil, un vieux Semflex rectangulaire enserré dans sa boite de cuir, et passait de famille en famille. Cet appareil, elle l’a offert à mon père et c’est moi qui l’ai aujourd’hui.