Mon professeur de latin

Francis Pyronnet (1949)

 

J’avais dix ans quand ma famille est arrivée à l’Arche, à la Chesnaie près de Bollène. J’ai tout de suite trouvé un copain, Daniel, qui était comme un fils adoptif pour Shantidas et Chanterelle. Aussi étions-nous souvent chez Chanterelle. Nous allions aussi visiter « Mère », la mère de Shantidas, qui vivait dans la communauté. Nous avions un contact très personnel avec eux.

Les enfants avaient une grande liberté à l’Arche, la possibilité de découvrir énormément de choses, d’apprendre à traire, à sculpter, à jardiner… À l’âge de douze ans je faisais moi-même mes sandales.

Shantidas était aussi mon professeur de latin. Et là ce n’était pas facile, car j’étais mauvais et il ne comprenait pas que je ne puisse pas retenir… Il avait de ces colères ! À me donner envie de me cacher sous la natte où nous étions assis !

Par contre il était content de moi lorsque je jouais un rôle au théâtre, car je m’en sortais plutôt bien. Mais si je le craignais pendant les cours de latin, le reste du temps la relation était « normale », on lui donnait facilement la main, le soir autour du feu, en toute simplicité.

Chanterelle était très maternelle et douce, bien que parfois impatiente quand elle nous faisait chanter (elle a réussi à me faire apprendre le grégorien que je savais déchiffrer !). Une de ses joies était de nous faire poser pour prendre de belles photos.

Elle n’était pas esclave de la règle communautaire, faisant comme il lui semblait bon. Ainsi pour le silence du vendredi. Si quelqu’un lui faisait remarquer son manquement, elle me regardait en disant : « il est embêtant »... Puis elle s’y pliait quand même.